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Le Naïf dans le Monde
21 mars 2018

La ville où le diesel était Roi

Il y a longtemps déjà, je m’en souviens, un garçon avec qui je travaillais, me voyant peiner sur une lettre qui demandait réflexion me dit qu’il valait mieux une lettre imparfaite qui parte en temps utile plutôt qu’une lettre parfaite qui resterait sur mon bureau.

Cette « sorte » de maxime s’applique aux propos du naïf. N’ayant aucun espoir d’atteindre la perfection, laquelle comme on le sait est inaccessible par essence, il est un moment où il vaut mieux reconnaître et matérialiser la médiocrité de sa pensée et de son expression et se décider à mettre sous presse.

Cela s’applique à ce texte qui ne me plait guère. Mais, réussi ou pas il a le mérite d’exister.

 

La ville où le diesel était Roi

 

La Déesse du Raffinage tient une balance. Comme la Justice elle est aveugle et, comme la Justice elle prend son temps. Pour la Déesse du Raffinage l’unité de temps est la décennie.

Dans un plateau de la balance s’étale le Pétrole qui vient on ne sait d’où à un prix qui dépend d’on ne sait qui.

Sur l’autre plateau une demande de produits différents et d’usage répandu et indispensable. (1)

 

Parlons Diesel ou plutôt Gazole pour en rester à une terminologie que ne devrait pas ignorer les commentateurs. (2)

 

Quelques années après la guerre,  dans la décennie 1960-1970 … la France…

importe du pétrole brut et raffine les produits dans des raffineries situées en France,

consomme de l’essence pour un parc auto en expansion,

se chauffe au fuel domestique (c’est du gazole moins lourdement taxé),

a épuisé son charbon et en importe pour produire de l’électricité,

a terminé l’aménagement hydroélectrique du territoire,

confirme la mise en place de son parc nucléaire et

EDF fait la promotion du chauffage électrique.

On peut discuter (3) du rôle de chacun de ces facteurs mais le résultat est :

 

Les raffineries françaises font face à un excès de gazole.

 

Il serait alors possible de moderniser les raffineries pour que du gazole excédentaire soit « réformé » (4) en essence.

Investir dans la modernisation des raffineries n’est guère possible : les marges de raffinage sont absentes car depuis la fin de la guerre et jusqu’1981, les prix à la pompe sont fixés réglementairement à un niveau qui ne laisse aucune marge aux raffineurs. (5)

En conséquence le gazole va passer progressivement et de plus en plus rapidement de la case « chauffage » à la case « carburant » : cela passe par l’usage du moteur diésel et par la promotion du chauffage domestique à l’électricité.

La fiscalité incite l’usager automobiliste à l’emploi d’un gazole moins taxé que l’essence ; de surcroit le moteur a un meilleur rendement et consomme moins de carburant, en litre, en kilo et en francs. Les constructeurs automobiles participent à ce mouvement qui correspond en termes de prix à une montée en gamme de l’industrie, le coût de la motorisation étant dans ces années de développement plus élevé pour un diesel que pour un moteur à essence. (6)

La réussite des constructeurs est telle que le parc automobile bascule largement du côté des voitures motorisée diesel. Celles-ci  deviennent aussi souples et propres que les voitures à essence.

Les constructeurs perfectionnent les moteurs et mettent au point les procédés de contrôle de la combustion et ajoutent aux échappements les filtres à particules et à oxyde d’azote nécessaires.

Le mouvement est encouragé par tous les acteurs de la chaine et l’État Français qui se mêle prioritairement de ce qui ne le regarde pas favorise la motorisation diesel et maintient une fiscalité favorable au gazole.

 

Intervient la pantomime « à la française » du réchauffement climatique. Il faut réduire les émissions de GES. (7)

On réglemente.

On ne réglemente pas sur le chauffage urbain, ni sur l’industrie manufacturière, ni sur …

On règlemente sur l’automobile alors que le transport routier ne représente que 12 % des émissions de particules fines. (8)

 

Les règlements se traduisent par des normes.

Quelles que soient les normes, quel que soit l’organisme prescripteur, les normes sont faites pour être détournées ou confisquées par les constructeurs. Le propos ici n’est pas d’entrer dans le détail du dieselgate mais de constater que les normes en vigueur sont en réalité inapplicables : c’est une preuve par l’absurde. Si elles étaient applicables, les constructeurs les respecteraient. Qu’ils ne les respectent pas est la preuve qu’elles ne reflètent pas les performances « possibles » des moteurs à explosion, essence ou diesel tout pareil.

Survient le dieselgate : Secret de polichinelle, mais enfin rendu public et proclamé. Honte à VW qui fait amende honorable, bat sa coulpe et crache au bassinet américain.

L’émotion traverse (galion retour d’Eldorado, câble sous-marin jadis, ondes variées de nos jours) l’océan et arrive tout droit et toute droite au pays de la Rumeur, notre cher et vieux pays.

 

L’émotion tombe dans le vide, le vide de notre classe politique au plus creux de la fin du quinquennat de François Hollande. Dans le vide elle résonne. La rumeur enfle et se transforme en haine. Cette haine, naissante rejoint son ainée toujours « verte », si l’on peut dire : la haine du nucléaire.

 

J’hésitais entre deux images : celle du bouc émissaire  et celle de la rumeur, style rumeur d’Orléans.

Il s’agit en fait de la même image.

Une peur diffuse ressentie dans un groupe donné se cristallise sur un responsable ressenti, désigné par le hasard.  Le groupe expulse ce responsable choisi et celui-ci dans son exil ou par son trépas emportera la peur du groupe. Peurs ou péchés, le bouc émissaire emporte avec lui les émotions du groupe.

La rumeur est locale, agile et fugace. Le sacrifice du bouc ou son rejet sont des processus plus lents plus profonds.

Inutile de chercher une justification ou une logique ; la foule avale tout et s’en empare avidement. Le citoyen aussi est avalé par la foule.

Les belles âmes, lorsqu’elles parlent de la foule disent le Peuple.

 

Dans Paris et dans les mégapoles du monde roulent des bagnoles. Trop de bagnoles.

Le Prince de la Cité n’a pas aménagé en temps voulu les transports urbains et la population (les gens) sont contraints de se déplacer en bagnole. Cela coûte cher à tout le monde et cela salit l’atmosphère de la cité.

Depuis quelque temps, on appelle ce phénomène la pollution. (9)

Le problème du transport urbain est que la  ville moderne est encapsulée dans la carapace d’une ville du Moyen-Âge. Le Prince ou Mme le Maire n’ont pas abordé ce problème dont la solution demande des visions et des moyens qui lui faisaient (Le Prince) ou lui font (Mme le Maire) défaut.

Encore heureux que Napoléon III et son baron aient en leur temps fait quelques percées ; encore heureux qu’on ait trouvé dans les années 1900 assez de ressources pour réaliser un Métro déjà tardif ; encore heureux qu’on ait trouvé assez de ressources dans les années 70 pour réaliser le RER… qui conduit à la Défense.

Puis 68, 81 et Chirac, Chirac et Chirac…(le Prince)…Puis l’empilement des feuilles du millefeuille et la dilution des responsabilités et des volontés…puis la Folle des Voies sur Berge.

Et Paris s’éveille !

 

La boule est lancée : dans quelle case de l’incohérente roulette écolo gauchisante va-t-elle s’arrêter ?

Premier numéro : le chauffage urbain… Non, pas assez classe.

Deuxième numéro : la petite ou la grande industrie qui parvient à se maintenir en Île de France…Non, un peu risqué : tout pour l’emploi !

Troisième numéro : la bagnole…Voilà une idée qu’elle est bonne ! Mais mieux encore, pas n’importe quelle bagnole, non, la voiture de tout le monde : le diésel.

 

Chasse aux particules : les miennes sont plus fines que les vôtres.

Le corps médical, comme on dit, monte aux créneaux, comme on dit et confirme la toxicité du moteur diésel ; ce qui vaut quasi exonération du gentil moteur à essence.

Hidalgo se déchaine : elle est encore populaire dans les cercles qui sont les siens.

Everest de la bêtise et de l’absence de réflexion, Sommet de la pensée creuse et déconnectée du monde de l’énergie, Miracle d’incompétence et de vacuité Hulot s’exprime.

C’est naturel. Il est Ministre de l’Énergie.

Il confirme et la parole nous est, une fois encore, révélée : Plus de Diesel en France d’ici demain matin.

Dans la foulée, on passe même au tout-électrique, mais seulement après-demain. Non sans avoir fait disparaitre (baguette magique) un tiers ou peut-être la moitié du parc nucléaire.

 

Quel sociologue nous expliquera comment un tel niveau de sottise peut s’emparer du monde politique et de son clone, le monde médiatique.

 

Reprenons notre calme et laissons s’apaiser la colère et la honte que la simple évocation de Hulot provoque et revenons à notre propos.

Ce propos est par le détour des aléas du raffinage, par la saga du tout diésel et la bascule au diesel-bouc, par la sottise des édiles de parler de l’urbanisme des très grandes villes.

L’activité des hommes nomades ou sédentaires, utiles ou précaires, intégrés ou assimilés s’est concentrée dans des villes devenues mégapoles. (10)

Aménager ces bazars s’appelle l’Urbanisme.

 

L’Urbanisme se traduit par un projet nécessairement régional puisque l’argument est de favoriser l’habitat autour de la ville et l’accès des zones d’activité de la ville aux habitants de la périphérie de la ville. (11)

Un plan d’urbanisme inclut un schéma de transport urbain. Ce schéma prend en compte la desserte de pôles d’activité situé « hors les murs » comme Saclay par exemple.

Dans le cas de Paris le projet est donc d’abord un projet Île de France dans lequel la Municipalité de Paris n’est que l’un des acteurs et pas nécessairement le plus important.

En 2010 a donc été mise en place une nouvelle structure qui doit produire du nouveau métro tout autour de la capitale. Il faut lui souhaiter bonne chance, mais on sait déjà qu’elle ne répondra qu’à certains aspects du problème.

 

La dette financera.

 

Les embarras de Paris ne datent pas d’hier et Boileau nous dit ceux que connaissait la ville de Louis XIV :

                     Vingt carrosses bientôt arrivant à la file    Y sont en moins de rien suivis de plus de mille

Les embarras ont changé de visage et couvrent maintenant la Province qui est devenue la Ville.

Faire du moteur Diésel le bouc émissaire de ce permanent retard de développement est simplement ridicule et n’est que répondre par la rumeur à nos incompétences.

 

°°°°°°°°°°°

  1. 1.       On peut stocker quelques semaines ou quelques mois pour des raisons stratégiques mais en pratique la gestion du flux des produits pétroliers se fait plus ou moins au fil de l’eau.
  2. 2.       En effet il arrive que dans la prose des commentateurs on ne sache plus très bien si l’argument porte sur le carburant ou sur le moteur.
  3. 3.       On entend l’idée que le Général en poussant le programme nucléaire a déséquilibré le marché des carburants. Cette Baupinade permet de charger encore un peu le bouc nucléaire.
  4. 4.       Le reforming est le passage du gazole dans un nouveau cycle de distillation : la valeur des produits finis augmente bien que ce nouveau cycle consomme quelques % d’énergie. Et occasionne un coût.
  5. 5.       Giscard ne les libéralisera pas et Mitterand le fera : comprenne qui pourra.
  6. 6.       Quand s’opère ce passage, « dans le même temps » les distributeurs importent davantage de produits raffinés du Moyen-Orient au détriment du raffinage européen qui, de ce fait n’a plus besoin des se moderniser. En 2015 la France importa 56 Mt de brut et 24 Mt de gazole.
  7. 7.       Pantomime : la France, 1/300 de la surface des continents, 1/100 de la population mondiale et quelques bribes de PIB mondial obtenus à coup de dépenses de progrès social, d’une poignée d’aéroplanes et de quelques hectos de pinard va sauver la planète par l’ampleur de ses actions en faveur du climat. Roulements de tambour et ricanements de Trump.
  8. 8.       Source : Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique  2015
  9. 9.       Salissure : on peut nettoyer et on revient à l’état propre. Pollution : il faut traiter sinon la pollution reste : on ne peut que la mettre sous le tapis.
  10. 10.   Lapsus révélateur qui ravirait un psytruc : la première frappe de ce mot a été : mégalo-pôle
  11. 11.   Ce qu’on appelait les banlieues avant qu’elles ne deviennent des territoires abandonnés et pour certains finalement perdus. On admet que l’intérieur de la ville est déjà saturé et qu’il est difficile d’y loger plus de monde.

21 mars 2018

 

 

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