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Le Naïf dans le Monde
8 mars 2020

Civisme et chauvesouris 6 Variations

 2 avril

Je suis très embarrassé. Dans tous les sens du terme, un embarras éthique qui est de savoir comment sortir des injonctions de l’ordre supérieur, un embarras pratique : que vais-je faire de celui qui est la cause de mon embarras ?

Comme chacun d’entre nous est confronté à ce problème chacun aura compris que je parle de mon coude. Cette partie de nous-même à laquelle nous ne prêtons attention qu’au moment où nous le cognons maladroitement et qui depuis un mois est devenu un des acteurs importants de la lutte implacable et intelligemment conduite que nous menons tous ensemble dans un bel élan d’union nationale. Et confinés.

Que faire ? Je repousse l’idée de l’amputation pour m’en tenir à celle du récurage de crise avec immersion du membre entier dans un bain d’eau de javel. Les chandails, au feu. Tant pis pour les GES.

J’hésite. Je vais consulter les experts.

 

Nous regardons beaucoup la télévision et nous sommes exposés à beaucoup de publicité. Combien ces publicités nous paraissent décalées dans le climat de notre confinement. Certaines, moins bêtes que d’autres, pouvaient nous faire sourire alors que d’autres nous horripilaient déjà et nous horripilent davantage. Cette perception des publicités sur l’écran (plat) de la TV est un petit thermomètre qui mesure l’éloignement du monde extérieur que nous commençons de ressentir. Car pour beaucoup de confinés rigoureux et respectueux, le monde extérieur n’est plus que l’annonce des morts ici et là, des contaminés, des masques aux abonnés absents et des Chinois qui ne disent pas tout et de Trump qui n’arrive pas à faire un bon deal win-win avec un interlocuteur Coco-manchot.

Les agences de pub perdent de la clientèle.

 

Dans le cher et vieux pays le masque est une fleur rare. Les plantations de Roseline ont été glyphosatées par la Touraine, oubliée par la Buzin et nos étals sont démunis. Cigales nous sommes devenus.

Heureusement une note de couleur vient de se glisser dans ce morne paysage. À Nice on cout des masques avec des tissus de couleurs, des fleurs, du rouge, du bleu… Le masque suit la mode.

Une autre manifestation du génie national (que le monde nous envie) est l’usage du masque en protège barbe. Vous tournez le bouton du poste, comme je dis, et la première personne soumise aux pertinentes questions des journalistes du poste porte un masque, précaution oblige, sur sa barbiche « à la mode » pour mieux converser avec son interlocuteur. Voilà qui explique la pénurie. Il faut raser les barbus.

 

4 avril

Jupiter ne s’exprimait que dans ses multiples œuvres de chair, assez souvent en arbitrant des conflits familiaux et quand il fallait faire les gros yeux en fulgurant en même temps à droite et à gauche. Mais jamais, Ô grand jamais, Hermès, son conseiller de communication ne lui suggéra d’aller bavasser sur chaque agora disponible, offerte au jacassage. En effet Jupiter ne parlait pas, il foudroyait.

Le divin Enfant était resté jusqu’ au choc des gilets jaunes assez distant dans sa communication, en dépit de quelques interventions nécessairement mal interprétées. Il est clair qu’il n’en a pas tiré la vraie leçon qui était de revenir sur la loi scélérate de son prédécesseur, loi qui comportait la fâcheuse augmentation de la taxe sur les carburants.

Après un interlude de Grand Débat sur public choisi, il se livre depuis au rattrapage de ministres bavards, aux mises au point tardives de pédagogie mal faites, et soudain le voici en face de l’inconnu : la crise sanitaire.

Coco et Macron, le face à face.

Deux jambes : Le premier ministre qui rame derrière et des discours de remerciements jusqu’à plus soif à tous ceux qui…incluant, additif déculpabilisant, le soin qu’il a de suivre la parole des experts.

Le torrent de la communication vide enfle et nous sommes au pic de la crue.

 

La foule, dont notre classe politique fait à l’évidence partie (avec ou sans partis) toujours réclamera et désignera un bouc émissaire pour que la vindicte ressentie quand l’évènement mystérieuse la frappe s’exprime symboliquement. La Buzin ou la Touraine  ne suffiront sans doute à étancher cette soif populaire. Il faut trouver mieux et chacun peut réfléchir et faire des propositions qu’il transmettra à l’IFOP.

En miroir la foule demande aussi, très tôt dans l’épisode, des images de sauveurs. Pour l’heure nous en avons un excès puisque nous sommes tous des héros.

Moi, parce que je reste chez moi, l’éboueur qui fait son boulot tout comme la fraction importante de la population qui fait du mieux qu’elle peut pour assurer que la vie ne s’arrête pas, et le corps médical qui monte, l’image n’a rien d’excessive, en première ligne au front.

Écartons les héros de pacotille comme moi et n’oublions pas les familles confinées dans des conditions proprement carcérales, tenons compte de toutes personnes exposées dans les aléas de la vie ordinaire, précautions ou pas et saluons le corps médical dans son ensemble. Cela fait encore beaucoup de héros et nous n’avons pas la chance –pardon- d’avoir eu notre Li Wenliang… aujourd’hui même élevé par Oncle Xi au rang de martyr !

Nous ne pouvons décemment pas recourir à Jeanne d’Arc ; elle est quand même anachronique. Nous ne pourrons la ressortir qu’en cours de déconfinement si Le Pen, dépositaire de la marque, le permet.

Si l’utilisation de la chloroquine à la recette de Raoult tenait ses promesses, on pourrait penser au vindicatif marseillais : il coche de ombreuses cases et il porte un barbe de prophète issu de l’histoire sainte.

Mais la foule mérite mieux.

Quel dommage que Johny nous ait quitté. Je l’aurais bien vue en brancardier bénévole et chantant des paroles de réconforts aux patients en route vers leurs respirateurs. Il était déjà notre héros, il aurait bénéficié d’un héroïsme de plus.

  

Une parenthèse Quinquina, un sourire. 

Pas si loin le temps quand les hommes allaient boire leur quinquina sur la place du village pendant que leur femme faisaient leurs dévotions à l’église d’en face. Deux dévotions valent mieux qu’une.

Byrrh, tenez-vous bien, un temps la marque d’apéritif la plus consommée au monde  talonnée par Dubonnet, Du beau, du bon, Dubonnet.

Dire que des générations ont baigné dans du quinquina ! Cet assemblage de phonèmes semble devenu étrange dans le monde médical français qui semble découvrir l’existence de la quinine, de la nivaquine et plus récemment de la chloroquine. Certains dont vot’serviteur ont passé une partie de leur vie avec un bocal de pilules de nivaquine sur la table des repas. Mais non, on découvre un nouveau produit, de nos jours on dit une nouvelle molécule. Molécule, ça fait savant et à défaut de voir grand il est normal de chercher à voir petit.

Un coupable que les limiers de la santé publique découvre avec stupeur, l’hydroxychloroquine est utilisé dès 1955 comme antipaludéen avant d’être abandonné car ne couvant pas toutes les formes de paludisme. Elle est maintenant la prescription contre les lupus et là, les médecins la connaissent.

Pensez que j’ai entendu notre Premier Ministre nous dire solennellement que la chloroquine qui est entrée dans la pharmacopée en 1947 allait prochainement être « mise sur le marché ». Heureusement qu’il est entouré d’experts ! On mesure dans cette phrase la qualité de la formation de nos élites SciencePo-ENA.

En aparté, le fansidar (sulfadoxine et pyriméthanine) remplaçant miraculeux de la nivaquine a sauvé la vie, il y a quarante ans déjà, d’un de mes enfants en train de claboter du falciparum en Tanzanie. Le fansidar était, le sournois, caché à la Pitié Salpêtrière en cours d’expérimentation avec probablement moins de bazar que maintenant. C’était le jour du vol hebdomadaire d’Air France et le médecin de l’ambassade accompagnait le malade. On administra la potion magique et mon fils survécu.

Il va bien, merci, et comme je suis confiné il me téléphone tous les jours. Brave petit

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