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Le Naïf dans le Monde
4 août 2016

Un programme pour l’École : Première partie

 

 

En France, pas d’ambiguïté, l’éducation est l’affaire de l’État.

Un texte constitutionnel de 1946:

« La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la culture et à la formation professionnelle. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État ».

Un texte législatif : Le décret no 2014-402 du 16 avril 2014 demande au Ministère de préparer et mettre en œuvre « la politique du gouvernement relative à l'accès de chacun aux savoirs et au développement de l'enseignement préélémentaire, élémentaire, secondaire et supérieur. »

 

L’État par ces deux textes s’est créé une obligation.

 

Cette obligation doit être remplie en tenant compte de deux facteurs que le législateur ne fait pas apparaitre dans son texte.

 

Le premier est la reconnaissance que l’Éducation Nationale doit satisfaire à des besoins. On a déjà analysé ces besoins : former des Citoyens et former des Citoyens utiles. C’est de leur qualité de Citoyen et de leur utilité dans le corps social que résultera leur bonne participation au fonctionnement de ce corps social (la Nation) dans le vaste pêle-mêle de la mondialisation. L’Éducation Nationale satisfait un droit des français dans le même temps qu’elle remplit une fonction vitale : procurer à la Nation les forces vives de l’action nationale.

 

Tous les français sont égaux en droit. Ils ne sont pas pour autant tous semblables et l’Éducation Nationale n’a pas à se donner la mission de fabriquer, au-delà de la citoyenneté, un homo vulgaris banalisé et aussi éloigné que possible des tâches jugées inférieures. Dit brutalement, tous les français n’ont pas vocation à faire des études supérieures. Tous n’ont pas la vocation, ni le goût et l’envie de traîner sur les bancs d’universités surchargées jusqu’à un âge où leur insertion dans le monde du travail devient problématique ; en admettant qu’ils en aient la capacité.

 

L’Éducation Nationale doit donc se fixer comme objectif de former des Citoyens et de les insérer dans le monde du travail dès que leur goût de l’étude ou que leur capacité à étudier diminuent. L’Éducation Nationale ne doit pas chercher à, et accepter de devenir une aire de stockage pour des chômeurs dissimulés au regard des statistiques : si elle y consent elle complique sa tâche car elle emploie une grande partie de son personnel à un travail de gardiennage d’une jeunesse rétive ; elle entrave la progression de ceux qui peuvent et doivent continuer leurs études ; elle entretient l’idée que tous les français sont exemptés des tâches ordinaires et manuelles et destinés à des fonctions de dirigeants diplômés.

 

Pour bien entendre ce qui vient d’être formulé, il faut revenir à ce que signifie dans le texte constitutionnel « la garantie à l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction » et d’en définir de nécessaires limites par un corollaire implicite de ce devoir : l’accès à l’éducation suppose que l’élève est en capacité à bénéficier de l’enseignement que la Nation doit dispenser gratuitement et dans le cadre de la laïcité.

On ne peut pas concevoir l’éducation comme un long toboggan qui mènerait de la prime enfance jusqu’à l’âge adulte et au-delà tous les membres de la société vers les sommets de l’intellect, à la charge d’un contribuable qui n’allant pas à l’école serait seul à payer l’éducation des autres.

 

La constitution stipule la gratuité. Donc le coût est supporté par l’État hors les mécanismes du Marché. L’Éducation Nationale est financée par l’impôt. En recevant ce qui lui est dû, l’élève devient le débiteur de la nation. En face du devoir de l’État et du droit du citoyen, se dresse un devoir correspondant fait au citoyen qui est de faire bon usage –au plan des intérêts communs- de l’éducation qu’il a reçue. L’enseignement dispensé par la collectivité doit avoir un sens, une portée, une utilité. L’idée qu’un individu puisse consacrer son existence à « faire des études » au frais du contribuable et sans profit social n’est pas acceptable ; ou au moins suppose un encadrement strict de cette libéralité qui dépasse le propos du progrès social et qui s’y oppose par le gaspillage qu’elle provoque.

 

On a ainsi définit dans le même temps une limite à la gratuité de l’enseignement public. L’éducation est un droit, elle est dispensée gratuitement et elle doit faire sens au plan du civisme et du « bien commun » de la Nation. Si cette dernière condition n’est pas satisfaite, au moins dans les propositions programmatiques, il n’existe pas d’argument pour justifier la gratuité. Sauf à croire que les ressources de l’État sont infinies (merci, la dette) et que le citoyen n’a nul besoin de trouver une place dans une société  qui ignorerait le monde du travail.

 

°°°°

 

Illustrons le propos par quelques chiffres, ceux de l’année 2014 pour les résultats et ceux de l’année écoulée 2015-2016 pour les entrées.

 

Les tranches d’âge 2103-2106 sont d’environ 750.000 élèves.

Il est dit, on admet, l’Éducation Nationale  reconnait du bout des lèvres, la rumeur confirme que 150.000 jeunes sortent du système éducatif, pratiquement illettrés (une macronade) et n’ayant subi aucune formation. On ne sait pas très bien à quel niveau ils sortent du système. Ils ne sont pas nécessairement condamnés à l’échec social mais leur réussite et leur insertion ne devra rien à l’Éducation Nationale et reposera sur leur initiative et leur talent.

 

750 – 150 = 600

 

600.000 ont donc poursuivi le cours usuel de l’enseignement Supérieur. Ils sont à un iota près tous Bacheliers.

 

Sur ce nombre 330.000 ont eu accès à l’enseignement supérieur universitaire en 2015.

Un peu moins de 100.000 sont dans les filières Grandes Écoles et Techniciens supérieurs, en majorité dans le cadre de l’Éducation Nationale mais en dehors de l’Université.

Environ 25.000 iront dans les écoles de commerce, de gestion (?) et de comptabilité de l’enseignement privé.

Afin que le recrutement des Profs de Gym ne soit pas problématique, 17.000 jeunes poursuivront des études dans le domaine des Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives. Ils ont été pris en compte dans les 330.000 de l’université. L’université du Stade ?

40.000 suivront le chemin des études dans le domaine de la santé. Comme les STAPS ils ont été comptés dans les 330.000 de l’université.

Restent les « Autres », qui imagine-t-on, rempliront les écoles de communication, de cinéma, du cirque, de la poterie à travers les âges… soit environ encore 75.000 de nos enfants, scolarisés à moitié dans le public et à moitié dans le privé.

 

330 + 100 + 25 + 75 = 530.000 élèves qui poursuivent leurs études après le Bac.

600 – 530 = 70.000 élèves qui ont échappés aux joies de l’Enseignement Supérieur.

Un lecteur très optimiste sera convaincu que cette septantaine de milliers de jeunes français aura pu poursuivre une formation professionnelle digne de ce nom et aura intégré le monde du travail.

Il ne manquera pas, néanmoins de remarquer que ce chiffre ne représente que 9% de la tranche d’âge dont on parle, alors que les 530.000 en représentent 72%.

 

Mais que font ces 330.000 universitaires qui rentrent à l’Université en 2015?

40.000, on l’a déjà dit s’orientent vers les professions de la Santé.

52.000 rejoignent les Instituts Universitaires de Technologie.

Restent environ 240.000 étudiants pour ce qu’on pourrait appeler l’enseignement général, soit un tiers de la tranche d’âge.

On retrouve les incontournables (inclassables ?) 17.000 STAPS.

54.000 sont en faculté de science dont 24.000 en sciences fondamentales.

Restent environ 130.000 étudiants en Fac de Lettres, de Droit et d’Économie.

On rappelle que 25.000 étudiants suivent des études de commerce, de gestion, de comptabilité.

Il y a donc 21 % d’élèves (130.000 + 25.000 = 155.000) d’une tranche d’âge qui ont les compétences et la vocation (désir) de devenir avocats, magistrats, professeurs de lettre ou d’histoire ou plus probablement, hélas ANPE-istes et RMI-istes.

 

Difficile d’oublier les 75.000 Autres dont on ne sait pas ce qu’ils ont fait.

 

Nous avons parlé des entrées dans de cycle des études supérieures. Comme sur le pas de tir, allons aux résultats. Comme nous le dit notre Président : « c’est pas facile ».

On cite un extrait de  REPÈRES & RÉFÉRENCES STATISTIQUES SUR LES ENSEIGNEMENTS, LA FORMATION ET LA RECHERCHE,  2106   édité par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du Ministère.

 

À peine plus d’un quart des étudiants de licence obtiennent leur diplôme à l’issue des trois années de la formation : 28 % des étudiants ont obtenu un diplôme de licence (générale ou professionnelle) trois ans après leur première inscription en L1 en 2010-2011 et 12 % après une année supplémentaire, à la session 2014.

La faiblesse des taux de réussite tient notamment au nombre élevé d’étudiants qui abandonnent leur formation en licence après une ou deux années d’études : c’est le cas de 36 % des bacheliers généraux, 71 % des bacheliers technologiques et 84 % des bacheliers professionnels. Ces abandons ne sont pas obligatoirement synonymes d’échec. En effet, une partie des étudiants concernés se réoriente vers d’autres filières de l’enseignement supérieur : DUT, STS, écoles d’ingénieur, de management, de santé ou d’arts.

 

On comprend que deux étudiants sur trois échouent en licence, mais que le bouillon est assez vaste pour que parents et assistanat s’en mêlant, ces deux étudiants puissent continuer leurs études.

C’est tout en même temps rassurant et inquiétant. Rassurant car cela traduit une certaine souplesse.

Inquiétant car avec assez de ressources et de patience, il n’y a finalement pas vraiment de raison que l’étudiant cesse d’être un étudiant, repoussant le plus longtemps possible le prévisible échec final.

 

Oublions les licenciés (qui méritent bien leur nom) et passons directement au niveau des Masters, dans la filière universitaire. Le vocable implique une durée d’étude de Bac+5 à Bac+7. 122.000 diplômes délivrés en 2014 avec comme il convient 90.000 en Droit, Eco et gestion, Lettres contre 29.000 en Sciences, sans omettre les 2.500 inévitables STAPS. C’est en quelque sorte la moitié des 240.000 étudiants (le tiers de la tranche d’âge) qui étaient entrés dans la machine.

On se souvient des 100.000 élèves des filières Ingénieurs, et Techniciens supérieurs. 33.000 sortent diplômés, 24.000 dans le public et 9.000 dans le privé, soit un tiers des entrants dans la filière.

 

Ce chiffre de 122.000 + 33.000 = 155.000 diplômés est à mettre en face du chiffre des entrants dans l’Enseignement Supérieur qui est, on le rappelle de 530.000 diminué des 92.000 des professions de Santé et des IUT, soit 438.000. Environ 35% des étudiants qui « entrent » en Enseignement supérieur obtiennent un diplôme ce qui pour un esprit chagrin voudrait dire que 65% ont échoué.

 

L’auteur ne sait plus où sont les 75.000 Autres : comme l’Éducation Nationale, il les a perdu, lui dans ses calculs et elle pour de bon. Ah, mais non, ils sont bien sûr dans les 530.000. Ouf. Peut-être aurait-il fallu les compter… Zut, le lecteur finira le calcul lui-même ! Et on lui souhaite bon courage s’il souhaite vérifier les chiffres.

 

Il serait légitime et probablement cruel de se pencher sur la nature et la qualité de certains de ces diplômes.

 

Cette brève et schématique analyse révèle que l’Enseignement Supérieur avale 600.000 enfants, les digèrent, nourrit la Nation avec au mieux un tiers d’entre eux et en rejette deux tiers.

Le lecteur de cette note sait tout cela ; confusément. 

 

Donc,

 

Il ne s’étonnera plus quand il lira dans son quotidien que dans certains secteurs d’activité de 300.000 à 400.000 emplois ne sont pas pourvus.

Il s’étonnera encore moins quand il apprendra que les ouvriers qui construisent les bateaux dont nous sommes si fiers à St Nazaire sont en majorité polonais ou tchèques.

Enfin il se demandera ce que l’économie nationale peut bien fabriquer avec plus d’un demi-million de jeunes gens et jeunes filles ayant suivi un enseignement qualifié de supérieur alors que les chantiers de construction n’emploient guère que de marocains ou des portugais.

Il comprendra enfin que le long et patient travail de l’Éducation Nationale a été d’immuniser les jeunes français contre les risques du travail.

Il comprendra que l’Éducation nationale, se comportant comme une vaste crèche a stocké des jeunes gens pour leur éviter d’apparaître trop rapidement dans les chiffres d’un chômage dont l’inversion de la courbe est imminente.

En produisant des chômeurs un peu diplômés.

 

Octobre 2016

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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