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Le Naïf dans le Monde
3 mai 2017

Macron aborde bien légèrement et inopportunément des sujets bien graves, et cela n’est pas bien.

 

 

Invité à évoquer les relations franco-algériennes sur une chaine de télévision privée locale ce mardi 14 février, l’ancien ministre de l’Economie n’a pas mâché ses mots. Pour lui, la colonisation est "une vraie barbarie". Il explique à la télé algérienne Echourouk News :

La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime. C’est un crime contre l’humanité. C’est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes. En même temps, il ne faut pas balayer  tout ce passé […] ll y a une jolie formule qui vaut pour l’Algérie : "La France a installé les droits de l’homme en Algérie. Simplement, elle a oublié de les lire".

Le Lab politique 15 février 2017

 

Nous voyons Macron aborder trois sujets dans le même mouvement : L’Histoire-grand H, sa candidature à l’élection qui se joue et les relations franco-algériennes.

 

Il souhaite acquérir une stature présidentielle : Quoi de plus naturel, il est candidat,  les relations avec l’Algérie ne sont pas simples –délicat euphémisme- et une prise de température est à tout le moins nécessaire. Il convient de réaffirmer les liens qui unissent indéfectiblement les deux nations unies dans…bla, bla, bla..

Nous ne pouvons lui en faire grief.

Pour déposer cette carte de visite et dire aux algériens qu’il sera peut-être notre Président dans un avenir proche, il choisit d’aborder un des sujets les plus délicats qui soient : les cicatrices de la

Colonisation et des évènements de l’indépendance. Vaste sujet dirait un des protagonistes de l’Histoire. Nous pouvons ajouter, vaste et encore douloureux.

 

Ecartons d’entrée de jeu l’hypothèse selon laquelle notre homme aurait voulu parler de la colonisation en général, comme phénomène historique récurent : rencontre de Sapiens sapiens avec Néanderthal, Les Hittites en Nubie ou les Mogols au pied de l’Himalaya, voire plus proches les Normands en Sicile… Macron, n’étant pas professeur (pas encore) au Collège de France, il ne réécrit pas, sur les traces de Braudel une fresque de l’histoire des civilisations. On peut penser qu’il ne se réfère qu’à la colonisation du 19ème siècle et plus précisément à celle de l’Algérie à partir de la date reconnue.

 

En premier lieu, la vérité historique. Chacun sait que cet animal n’existe pas et que l’historien peut au mieux offrir une lecture de l’Histoire. Mais tout de même, on ne parle pas des guerres puniques mais d’évènements anciens de moins de deux cents ans et pour les plus récents, d’événements vécus par l’auteur de cette note.

Donc : la Monarchie Française, pour des raisons dont aucune n’est vraiment convaincante* envahit un pays du nord de l’Afrique et le colonise avec difficulté. Le pays est divisé ethniquement et bien sûr politiquement : par certains aspects cela facilite la tâche, par d’autres cela la complique car des noyaux de résistance persistent longtemps. De part et d’autre les exactions sont abondantes et les mœurs du 19ème siècle ne sont pas plus douces que ne seront celles du 20ème… ou du 21ème.

Un des points les plus incertains concerne l’évolution de la population de l’Algérie entre 1830 et 1870 et en corollaire les causes de cette évolution. Multiples crimes de guerre, déplacements de population, sécheresses et famines provoquent une baisse notoire de la démographie et des pertes très sensibles dans l’armée française. Rien de tout ça ne constitue un titre de gloire pour le colonisateur qui est venu chercher « on ne sait quoi ».

La période coloniale s.s. est plus calme ; tout le monde est fatigué et le colon sous l’aile d’un paternalisme autoritaire soigne sa main-d’œuvre qui « croit et se multiplie ». Comme l’huile et l’eau les populations ne se mélangent pas : le français n’est pas portugais et l’Islam imprègne les mentalités autochtones.

La République n’oublie pas que les traditions guerrières des tribus algériennes les qualifient amplement pour participer aux massacres de la première puis de la seconde guerre mondiale.

L’algérien (toujours musulman) comprend qu’il est bon comme chair à canon mais que la reconnaissance politique qui pourrait s’y associer tarde à venir. Dès 1945 il revendique violemment.

Dix ans plus tard, le nationalisme indépendantiste s’exprime pleinement et l’insurrection éclate.

Comme un siècle auparavant, l’affaire sera rude et les exactions, déplacements et regroupements de population et massacres en tout genre ne manqueront pas de part et d’autre. En particulier la bataille d’Alger, largement oubliée laissera dans l’opinion l’idée que la pratique de la torture fut ordinaire de la part de l’Armée Française ce qui est faux. En tout cas, quels que soient les conclusions des historiens et comme le sujet fait toujours débat, il est prudent de ne pas l’aborder en préalable d’une prise de contact diplomatique et par le truchement d’une chaine de télévision.

 

Pourquoi cette prise de position, dans cette audience et à ce moment précis ?

L’idée qui vient d’abord à l’esprit est qu’il pense ce qu’il dit. Normal, l’homme est réputé pour sa culture ; il a fréquenté des philosophes professionnels, ce qui peut paraître une garantie pour les gens qui considère la philosophie comme un métier ; il a été dans le siècle ou tout au moins il a rencontré des manipulateurs d’argent et il a su en profiter; de surcroit, aux vibratos de sa fibre républicaine il a conseillé et inspiré le Président dans l’action qu’il a mené pour le redressement du pays.

C’est grave, car la pensée manque de nuances et ressemble fort à une déclaration idéologique «dans l’esprit du temps» et cela conduirait à l’idée qu’il n’est peut-être pas aussi  «intelligent» qu’on le dit. Comment imaginer qu’on soit conduit à déballer le fond de sa pensée, comme ça, par hasard sur les ondes algériennes.

Donc, c’est un message fort qu’il a voulu transmettre. Il ne s’est pas laisser entrainer par son sujet.

 

 

À qui ?

 

Au mort-vivant de Zeralda, aux Généraux qui dépècent l’État Algérien et grattent les fonds de baril, à la masse indistincte des foules maghrébines. Il est à craindre que son discours ne soit guère entendu et encore moins compris par tous ces interlocuteurs. Le serait-il, leur lecture et leur compréhension du message pourrait bien être différente de ce qu’il cherche à leur dire. Aucun hasard si leur religion –à ne jamais oublier- se désigne par le vocable de Soumission.

Souhaitait-il faire acte officiel de repentance et, osons le mot une fois encore, de Soumission ?

Ne dit-on pas de façon imagée pisser dans un violon ?

 

Mais peut-être son message est-il destiné aux Belles Âmes qui fleurissent dans les cénacles parisiens et aux gavés d’une gauche oligarchique qui grossit sur les slogans de Nuit Debout et sur les zadistes de toutes les Landes.

 

Ou pire encore ne s’adresse-t-il pas aux musulmans de France et aux Jeunes des Banlieues qui seront, le doute n’est pas permis séduit par un discours qui, comme à l’habitude, les exonère de…tout. Une fois de plus se pose la question de savoir si cet électorat existe réellement ; si ce type de discours est de nature à l’influencer favorablement et s’il ne continue pas une tradition déjà longue d’acceptation (soumission) d’une fraction de la classe politique à un multiculturalisme que la majorité des Français refuse.

 

En tout cas on peut dire en bon français cracher dans la soupe : La soupe d’un Énarque ex-apprenti Banquier et ex-conseiller d’un ex-Président.

 

Mais le personnage est sympathique, on le dit. Il fait de la politique autrement, il le dit. Il est porteur d’espoir, les marcheurs le disent. Il est ni de droite, ni de gauche, on le croit.

Il peut donc sans la moindre conséquence commettre des bourdes de cette taille : elles sont immédiatement oubliées, elles ont si peu d’importance qu’il n’est même pas nécessaire de les lui pardonner, on n’en a pas le temps. Pfouitt…

Vive le ni-droite, ni-gauche de la Gauche bobo.

 

Fiasco, fiasco, abominable maladresse, disqualification complète du personnage, à moitié Bergé, à moitié Culbuto et vif émoi de l’auteur de cette brève indignation.

 

* Dette de l’Empereur non acquittée, nécessité d’écarter une Armée qui piaffe, du chômage à résorber, des esclaves à libérer (si, il en restait) et même des coups d’éventail à rétribuer.

28 février 2017

 

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