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Le Naïf dans le Monde
2 août 2016

C’est la faute à Charlemagne (deuxième partie)

C’est la faute à Charlemagne   (deuxième partie)

 

Les dérives

 

On aura compris que cette note est une tentative (on dit essai) pour comprendre comment l’État a pu laisser s’échapper, hors son enclos, cet animal devenu  pesant et incompétent qu’on appela en son temps le Mammouth, animal qui, loin de lire la feuille de route (comme on dit de nos jours) que l’État lui aurait donné, a d’abord obéi à sa propre logique d’obésité et de confort de ses mammoutaux, les petits du Mammouth.

Il se peut que la feuille de route, le marbre gravé évoqué plus haut soient restés confidentiels et que le Président n’ait jamais rien dit aux 40 ou 41 ministres que nos gouvernements ont connus dans les 60 dernières années. (4)

1          13 ministres sous la défunte IVème république, en 10 ans et 28 durant les 56 années de la présente pas encore défunte république. Hollande fausse un peu les statistiques avec 3 ministres en 4 ans : il faut dire, à sa décharge que « c’est pas facile » d’être Président surtout quand «on n’a pas de bol ».

 

Ou que les ministres n’aient pas trouvé le temps, la volonté de faire marcher l’animal dans la direction souhaitée par l’État.

 

Ou qu’ils n’aient pas eu d’opinion, de conviction sur la façon de conduire leur mission.

 

La bête est abandonnée à elle-même et finalement se définit toute seule par sa taille (plus de moyens), par le confort de son personnel (plus de moyens). Lorsque l’échec (incivilités des élèves et des parents, compétence décroissante des maîtres, analphabétisme rampant) rend difficile la marche du pachyderme il ne reste qu’à demander… plus de moyens.

 

En disant « abandonnée à elle-même », on ne voulait en rien diminuer le rôle des directions pédagogiques (puissantes et stables) ou le rôle des Syndicats d’Enseignants (puissants et stables) qui assistent le Ministre dans sa lourde tâche.

 

Quoi qu’il en soit, le résultat n’est pas au rendez-vous, et l’animal, gros et maladroit ne  remplit pas sa mission, en dépit ou du fait de sa taille, de sa pesanteur.

 

Et inévitable conséquence : son coût.

 

La négation de la mission

 

Mais de plus l’animal est devenu fou.

Dans l’après-guerre et de l’après-guerre sont apparues des courants de pensée qui avaient tous vocation à remettre en question des ordres établis, des idées reçues et certains ancrages du passé. Rien de surprenant à ce que les événements de la seconde mondiale aient conduit à se poser des questions ; surtout chez les gens qui ont une tendance naturelle à se poser des questions et que pour cela on qualifie d’intellectuels. L’ombre –la fumée- du marxisme dominait et avec ou sous cette ombre, des analyses linguistiques et ethnographiques, des critiques littéraires, des études sociologiques ont été faites qui toutes visaient à s’interroger sur les rapports que l’homme entretient avec la société, à en mesurer la pertinence, la légitimité. Du langage à la notion d’autorité et au rôle de l’État, tout était remis en cause. Il  se dégageait peu à peu dans ce qu’on peut appeler l’inconscient collectif des universitaires de cette période l’idée que l’homme doit se révéler, naître en somme, en se dégageant des carcans du collectif. Dans ce mouvement et par une volte-face historique on se débarrassait à regret de l’encombrant et rigide manteau marxiste. L’homme nouveau ne pouvait pas rester dans la peau de l’homo sovieticus vite discrédité. Ce mouvement est légitime et chacun sent bien, O combien, le poids de la société, des institutions, des conventions bourgeoises et anti-bourgeoises et peut parfaitement éprouver le désir de sortir des ornières de la vie collective. Mais que ces courants de pensée déconstructionnistes, structuralistes, et cetera, (on n’hésite plus devant les qualificatifs) envahissent et dominent la vie intellectuelle de l’Université française est une autre chose. Surtout si ils sont digérés par des aigris bercés dans un gauchisme juvénile. Et qu’ils deviennent, par effet de mode ou par vacuité politique la colonne vertébrale de la pédagogie du Mammouth est simplement un crime contre la Nation, crime dont l’État n’a même pas conscience. Car l’État tout occupé (exclusivement) qu’il est du fonctionnement de l’oligarchie politique ne perçoit rien de cela : il a mis en place ou laisser se mettre de personnages porteurs d’une véritable idéologie pleines des certitudes, de vérités révélées et mal digérées. Le Mammouth dans sa masse obtuse et sans tenir compte des réalités s’est employé à fabriquer un individu libéré de toute appartenance, de toute contrainte et toute différence : tous pareils et tous libres !

Disparu le Bon Citoyen et éliminé Bon Citoyen Utile. Si d’une façon implicite on inculque l’idée que la société vous enchaine, vous avilit, que tout est dans votre personne.  Que signifie …travailler par exemple ?

Evidemment, on ne peut aller jusqu’à dire qu’il ne faut pas travailler, mais pour peu qu’on fasse apparaître le travail comme une aliénation l’essentiel est dit. L’individu se développera hors-culture,  ou dans une culture vague (comme on dit terrain vague) et c’est par le jeu (sans effort) qu’il s’épanouira hors-sol et sans souci. Un peu de démagogie, (patron ennemi, mon ennemi c’est la finance), une grosse dose d’assistanat (merci ceux qui travaillent et merci la dette), un zest de 35 heures et le tour est joué. Le Mammouth produit chaque année 800.000 chômeurs potentiels, parlant mal leur langue maternelle, ne sachant rien qui présente un intérêt pour le développement économique et résolument convaincus que le travail est l’affaire des Coréens du Sud : la pâture des populismes.

Exit le Citoyen, vive le chômeur nouveau et l’assisté libre.

 

La pédagogie molle et perverse

 

De ce terreau idéologique et vaguement asocial, est née une pédagogie qui s’articule sur une idée-force :

Tous les individus, au motif qu’ils ont les mêmes droits, sont semblables et doivent être éduqués semblablement : l’égalité doit régner en toutes choses et ne jamais se traduire par une reconnaissance d’inégalité foncière, qui entrainerait pour chaque individu un enseignement adapté.

Cette pensée implique une complète négation d’un classement, de la formation d’une élite et en corollaire de la nécessité de renforcer l’éducation première pour les élèves les moins avancés.

C’est un double travers : on ne forme ni les bons, ni les mauvais puisqu’à priori tous sont semblables.

Il serait cruel d’insister sur ce sujet tant les résultats parlent d’eux-mêmes.

L’égalité des chances, concept dévoyé, devient un refus de la formation d’une élite républicaine.

 

Encore la taille

 

A rebours, l’Education Nationale affiche cet échec comme un sujet de satisfaction. Elle « traite » de 750.000 à 800.000 enfants chaque année.

Le Mammouth aime ces enfants, ses enfants. Il veut les garder auprès de lui le plus longtemps possible pour qu’ils ne soient pas exposés aux inévitables corruptions de la vie active. En fait, M serait fou de bonheur s’il pouvait garder tout son petit monde avec lui. M perd en chemin, malgré les efforts du corps enseignant, entre une et  deux centaines de milliers de décrocheurs, qui resteront résolument analphabètes : ce n’est pas très grave il lui reste de 600.000 à 700.000 futurs bacheliers. Un esprit critique (il en reste) suggère que peut-être ces 700.000 personnes n’ont pas uniformément vocation à faire des études supérieures et que, à un moment donné il va bien falloir qu’ils aillent à l’usine ou à la ferme pour « faire » quelque chose. Le mammouth  qui sait ce qu’il fait, répondrait que l’homme nouveau qu’il a formé est tout à fait capable d’accéder à l’enseignement supérieur : il suffit d’agrandir la porte bachelière et d’augmenter le nombre des bancs d’école de l’Université. De plus, argument imparable, il n’y a plus d’usines et le travail est bien fatigant. L’esprit critique faisant valoir que le Mammouth malgré tous ses efforts n’arrive pas à « sortir » 700.000 Docteurs es Sciences Humaines, celui-ci rétorquera que la faute en est au « Manque de Moyens », génie pervers et maléfique que la droite capitaliste met en place pour entraver son action. Le Mammouth égare donc encore dans sa folle équipée pas moins de 300.000 élèves qui sont la cohorte fameuse des Bac+n (sciences sociales, écoles de communication (?), écoles de commerce bidons) qui tiennent les caisses des supermarchés ou qui plus prosaïquement émargent au RSA, en vivant chez papa-maman si possible.

 

Les Maîtres et les Parents

 

On se contentera de poser les questions :

Le jeune homme et la jeune femme fraichement diplômés CAPES-A (le –A étant la partie de l’acronyme qui signifie : Adapté-au-niveau-présent) ou encore le/la jeune professeur/e des écoles sont-ils vraiment différents des élèves qu’ils étaient quelques années auparavant ?

Les parents, dont on constate la faillite, sont-ils vraiment différents des enfants qu’ils étaient une vingtaine d’années auparavant ?

Les français ne sont-ils pas tous, pour le plus grand nombre les produits d’une Éducation Nationale dégradée depuis un demi-siècle ?

 

Répondre à ces questions permet d’affirmer qu’une refondation de l’Éducation Nationale est une affaire de générations (avec un s, signe d’un pluriel qui commence à 2) (5)

 

5      Comte-Sponville déclarait récemment dans un entretien : L’Éducation Nationale a trois problèmes :   les enfants, les maîtres, les parents. Elle ne sait que faire, alors elle change les programmes. C’est aussi ce que nous dit Sérisé dan le l’extrait qui forme le préambule de cette note.

Les ministres

 

Les ministres de l’Education Nationale ne sont pas tous semblables, bien qu’ils paraissent, vus de loin, assez interchangeables. On peut distinguer trois catégories de Ministres.

 

D’abord, ceux qui, pour parler simple, n’en ont rien à en cirer et auxquels on a confié ce ministère pour la seule raison que celui de Finances ou des Affaires Etrangères avaient déjà récompensé un autre cacique du Parti au pouvoir. En prime, si l’ÉducNat intègre toujours La jeunesse et les Sports, ils auront toutes les excuses pour aller gratos au Stade les dimanches qu’ils ne consacrent pas à leur maîtresse.

Mme Barjon nous fait comprendre que le plus souvent le ministre mandaté n’est pas spécialement désireux d’exercer la fonction. L’Éducation Nationale serait-elle vraiment un bâton merdeux du Gouvernement ?

On peut craindre que ce ne soit le premier contingent, premier par la taille !

 

Une autre classe de ministres comprend ceux que leur formation, leur réflexion et leurs actions précédentes ont conduit à ce poste en ayant analysé le problème et en ayant une vue sur les modifications à introduire pour revenir à une Education Nationale remplissant enfin sa mission. Ceux-là ne durent guère et après que le mammouth ait émis son premier grognement les Premiers Ministres et les Présidents soudain conscients de leur maladresse, les renvoient à leurs chères études, et le monstre continue de paître sans qu’on le dérange. Exit les Ferry et Darcos qui au demeurant ne sont pas exemplaires et peuvent avoir contribué à amplifier la confusion.

 

La dernière catégorie est plus difficile à définir ? On peut y distinguer les ministres qui sont en accord avec la pensée des Pédagogues du monstre, voire même les initiateurs de cette pensée et pour lesquels les choses sont simples ; ils se jettent dans la nacelle et tels des cornacs ils le lancent dans une frénésie de réformes qui ont en général comme résultat de compliquer un fonctionnement qui l’est déjà.

Mme Barjon nous décrit un Jospin qui incarnerait ce modèle. Il ne peut nous en parler car sa fonction présente –coincé entre Constitution et État- lui impose un droit de réserve. La honte, peut-être.

Rien d’étonnant : ils sont les produits de cette nouvelle culture. On rajoute  le ministre qui vient d’ailleurs (au sens de l’éloignement culturel), que rien ne prépare à la fonction mais qui, d’origine maghrébine et du beau sexe présente toutes les qualités pour cornaquer d’une main de fer l’indomptable Mammouth. Elle n’hésite pas à chevaucher la bête et comme ses prédécesseurs à la laisser galoper en toute liberté : et je te fais de la repentance, de la théorie du genre (quèsaco ?), du féminisme à tout crin accompagné d’une louche d’interdisciplinarité et ce qu’on oublie, c’est-à-dire le grecque et le latin. (6)

6         Une fois n’est pas coutume, on n’est pas loin de penser que cette mesure fait sens. On peut se poser la question de savoir si la connaissance des cultures grecque et latine (et pourquoi pas d’autres encore) doive* s’accompagner d’un apprentissage forcément sommaire des langues anciennes. La réponse est évidente et tous les témoignages le confirment : les élèves ont perdu leur temps et n’ont rien retenu de cet enseignement ni en terme linguistique ni en connaissances littéraires ou philosophiques. Il serait sans doute plus efficace, si l’étude du français était menée sérieusement d’insister beaucoup sur l’étymologie et d’étoffer les études littéraires et philosophiques sur la période.                              

   *après longue discussion avec mon institutrice d’épouse, je maintiens en dépit de son avis défavorable mon « doive » subjonctif.

Mais les ministres ne sont que les porte-paroles de la volonté des Présidents. C’est donc à ce niveau que la responsabilité se situe. Les Présidents de la République, en tout cas depuis Pompidou sont aux abonnés absents sur ce sujet. Manque d’intérêt et contraintes politiques en face d’un interlocuteur fortement syndiqué on fait que ce sujet éminemment fondateur et structurant de la Société et de la République ait été laissé dans les  mains irresponsables des apprentis sorciers de la pédagogie.

 

°°°°°

 

Le Mammouth est devenu fou, on vient de le dire. Il n’entend pas former le Citoyen, il s’emploie à faire naître au mieux un a-citoyen c'est à dire un individu pour qui le concept de citoyenneté n’a pas de sens, au pire un anti-citoyen qui ressort de son « traitement » avec un rejet de la citoyenneté, avec un rejet de la Nation.

 

Qui sont les assassins de l’École ?

 

Lors de la rédaction de cette note (assassine) paraissait dans l’autre journal de référence un article de Mme Le Tac commentant l’ouvrage récent de Mme Carole Barjon, elle-même journaliste. Cet article est ajouté en annexe sous l’intitulé : Quand les auteurs…

Depuis comme on le dit dès le début, on a lu le livre en question. C’est la parfaite illustration et la documentation de ce qui vient d’être dit.

 

Peut-être conviendrait-il d’étudier plus avant les relations qui se seraient possiblement établies dans le confort des comités d’établissement des programmes, entre les responsables de ces comités et les éditeurs de manuels scolaires. Il semble qu’il faille fréquemment les renouveler pour qu’ils restent en accord avec les changements programmatiques. Il se peut également que les faiblesses humaines ne concernent pas les pédago-didacticiens dont on parle ici.

 

On se dispense de rajouter un grain de sel ou de piment car Mme Barjon dit tout, et fort bien. Cela donne envie de l’appeler Carole. Il faut donc lire ce livre.

 

Septembre 2016

 

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