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Le Naïf dans le Monde
9 juillet 2016

La Démocratie et l’État Cinquième partie : La politique industrielle et les participations de l’État

 

 

Centralisation et dirigisme marquent fortement la vie politique française, à la différence des cultures étatiques de la plupart des pays anglo-saxons. Tout a été dit sur ce sujet et les choses ne sont pas près de changer.

On peut sourire quand on voit la droite « Les Républicains » qualifiée de libérale ! Les Français n’ont aucune idée de ce que signifie un régime libéral.  Imaginent-ils un système dans lequel on leur dirait : demain matin, l’Éducation nationale n’existe plus, cherchez une école sur la « place du marché aux  écoles » ou bien adieu l’hôpital public, allez-vous faire soigner sur la « place du marché » des cliniques… à vos frais.

Cette tendance lourde de la vie politique nationale qui était bien ancrée dès le 17ème siècle, que les alternances autoritaires du 19ème n’ont en rien atténuée, s’est trouvé de nouveau renforcée après la seconde guerre mondiale lorsqu’il a fallu reconstruire une Europe dévastée. L’Allié américain voyait dans une Europe remise sur pied un rempart contre le communisme aussi bien qu’un vaste marché pour une économie en conversion du mode guerre au mode paix. Dans cette période de rattrapage économique l’État a joué un rôle essentiel de planificateur, souvent aussi de maître d’œuvre technique et de financier pour des projets de grande ampleur. Il en est résulté des Monopoles Nationaux  auxquels les français sont restés attachés ; d’autant plus attachés que ces monopoles sont des gisements d’emplois protégés dont les syndicats et les agents de statut public sont friands.

Certains de ces projets ont réussi : le nucléaire, la construction aéronautique, l’espace civil…avec des doses variées de coopération européenne.

D’autres ont échoué : le plan-calcul, les plans machine-outil…

Pour certains, l’État et les capitaux privés ont dansé des pavanes improbables : Erap, Elf-Aquitaine, Compagnie Française des Pétroles pour finir dans un Total résolument mondialisé et pourtant tellement français.

 

Donc l’État se trouve impliqué dans de nombreuses entreprises importantes  en tant que propriétaire ou actionnaire majoritaire, comme actionnaire avec blocage ou simplement comme actionnaire minoritaire.

Il convient de distinguer le cas des monopoles historiques, résultant eux-mêmes des nationalisations de l’après-guerre. Ces sont les principales EPIC (Établissement public à caractère industriel et commercial :

SNCF, RATP...). Les soumettre à la concurrence comme les libéraux de Bruxelles le souhaite n’est pas une tâche aisée tant leur monopole est ancré dans la réalité économique et dans la perception du public.

Ce sont aussi des entreprises devenues privées ou des Sociétés Anonymes à capital totalement ou partiellement public : EDF, La Poste …

D’autres «EPIC ont été crééspour faire face à un besoin qui pourrait être assuré par une entreprise industrielle ou commerciale, mais qui, compte tenu des circonstances, ne peut pas être correctement effectué par une entreprise privée soumise à la concurrence ». ?. Dans un inventaire de poète, on trouve dans la cinquantaine d’objets publics pas très bien identifiés, de l’ONF, de l’ADEME, de l’IFP, du BRGM, les Études Spatiales (CNES) et incontournablement l’Opéra de Paris et la Comédie Française.

En observant cette liste, on peut se demander si l’État a bien toujours distingué les aspects de service administratif, de service public et de production industrielle dans la conception de ces entités.

 

Il y a aussi le domaine des prises de participation ad-hoc, conjoncturelles. Un hoquet dans la vie d’une entreprise, un appel à l’aide, un « too big to fail», et l’État pour des raisons bonnes ou moins bonnes intervient en sauveur et tente de rétablir l’ordre économique en injectant dans le blessé du capital, c’est-à-dire en fait de l’impôt ou de la dette. Les résultats sont variés. Souvent la préservation de l’emploi est la première motivation, prochaines élections obligent ; parfois il s’est agi d’une véritable vision stratégique de développement national ou plus simplement d’assumer l’héritage historique d’une autre phase de développement : 40%chez ENGIE, 12% Chez Airbus, 26% chez Thales, 26% chez Orange, 15% chez Renault, souvenir du méchant Louis et une foule d’autres.

Mais presque toujours c’est le rattrapage d’un véritable échec industriel ; par ordre alphabétique, on pense à Alstom et à AREVA, car on a déjà oublié le Crédit Lyonnais et M. Haberer. Et puis, on n’en est pas à 15 milliards près !

 

Rappelons les volumes de ces participations :

 

 

 

Le portefeuille des participations publiques dans les entreprises au 31 décembre 2015

Source : Cour des comptes

Notes : les totaux sont effectués après élimination des données relatives à Bpifrance, elle-même détenue à parité par l’État et la CDC ; à l’exception des fonds d’investissement, ne sont retenues ici que les participations de premier rang.

APE : Agence des Participations de l’État

Bpifrance : Banque Publique d’Investissement

CDC : Caisse des Dépôts et Consignations

 

Trois dangers menacent ces implications de l’État dans ces entreprises :

 

La Nationalisation se transforme en Étatisation. Le poulpe de l’administration (tutelle incitatrice et tutelle de contrôle) étend ses organes dans le cœur du fonctionnement de la société nationale et progressivement l’étouffe en lui retirant sa motivation proprement industrielle ou de service pour en faire une extension de l’oligarchie administrativo-politique.

Encore heureux si le pouvoir du moment n’a pas profité de l’aubaine pour recaser un exclus du système, camarade gênant par ses ambitions, auquel il convenait de donner un siège confortable qui étanchera provisoirement sa soif.

 

Le vrai dirigeant de la société se trouve être in fine le locataire d’un bureau du ministère de tutelle, personne qui pourrait ne pas être compétente et qui de toute façon ne sera jamais responsable. Par quel mécanisme aberrant se trouve-t-on dans la situation d’imposer à EDF de perdre de l’argent ?

Dans tous ces organismes on voit beaucoup de centres de dépenses et peu de centres de profit. Cela dépend du rapport service public-production industrielle propre à chaque entité. EDF doit fournir de l’électricité au français et l’EDF devrait pouvoir le faire en garantissant au moins les investissements du développement de demain. L’État doit laisser EDF gérer ses profits et ne pas exagérer sa prise de dividendes ; ce qu’il fait car il est toujours occupé à grossir et à redistribuer. L’illogisme est que dans le même mouvement il empêche EDF de gagner sa vie par la limitation des tarifs tout en entravant son développement par la prise des dividendes.

 

Le troisième danger est de transformer les entreprises publiques en laboratoires de Progrès Social en distribuant du statut de la fonction publique comme on donnait jadis des bons points à l’école : À toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont à voir avec l’État-employeur. Dans la quasi-totalité des cas il n’y a rien dans le travail des agents de l’État qui les différencie de leurs camarades du secteur privé ; leurs bulletins de vote, peut-être ? Plus concrètement leurs régimes de retraite.

En annexe : le Fonctionnaire et le Mandarin

 

Il ne faut pas gémir sur l’histoire. On peut cependant s’interroger sur la capacité de l’État à mettre son nez dans tous ces sujets comme incitateur et contrôleur de l’action des personnes qu’il a choisies et mandatées. Cet ensemble, on le répète, forme un tissu dont tous les fils de trame remontent peu ou prou dans un bureau ministériel qui pourrait bien loger le véritable et irresponsable patron de la chose. Est-ce là où se trouvent la compétence et la vocation ? Quand l’accord action-tutelle se réalise, tant mieux ! Sinon endormissement et gabegie sont inévitables.

Ce tissu, cet héritage ne définit pas une politique industrielle. On finit par avoir le sentiment d’une maison pas très bien tenue, en désordre avec de multiples outils, babioles, bibelots, souvenirs de famille qui trainent à droite, à gauche sans que le propriétaire des lieux sache très bien quoi en faire et sans qu’il ait la volonté de de les utiliser pour ce qu’ils sont ou de les bazarder  s’il n’en a plus l’usage.

 

On laisse aux candidats de la primaire de droite le soin de définir dans leur programme ce que pourrait être une politique industrielle de leur cru. Peut-être l’un d’eux le fera-t-il ?

Si cela se produisait, on insérerait avec plaisir ses propositions dans cette note.

 

Éliminons les évidences : il est des sujets que la main du Marché, non seulement invisible mais également trop petite et faible, ne peut appréhender et qui relèvent de cette partie du pouvoir public qu’on qualifie encore, même dans nos époques de délitement, de Régalien : La Défense Nationale au premier chef. Peu importe de quelle façon l’État obtiendra la maîtrise de la disponibilité en volume et en qualité de l’équipement des Forces Armées ; peu importe qu’il soit actionnaire majoritaire ou simple client des entreprises en charge de fournir aux Armées le matériel ad hoc, l’essentiel est que ce matériel existe, soit disponible et corresponde au demande du Soldat sur le territoire national, sur les théâtres d’opération, et conçu et fabriqué par des moyens nationaux. Peut-être ne convient-il pas d’accorder plus d’importance qu’elle n’en mérite, à la troublante et incompréhensible affaire du renouvellement du Famas : troublante et incompréhensible, mais révélatrice. Est-ce toujours le cas ?

Voir annexe : le Fameux Famas

 

La Cour des Comptes et un ancien dirigeant de l’agence des participations de l’État ont récemment et avec une certaine emphase émis l’avis qu’il convient de désengager l’État des quelques 100 milliards de participation qu’il possède sans vraiment en bénéficier. On trouve en annexe la conclusion du rapport public de la recommandation de la Cour des Comptes.

 

 Cour des Comptes, conclusion du rapport public de janvier 2017

 

Les constats effectués par la Cour, appuyés sur une analyse des années 2010 à 2016, appellent une appréciation critique de l’aptitude de l’État à être un bon actionnaire. Cinquante ans après le rapport Nora, les mêmes faiblesses demeurent : un portefeuille de participations dispersé et peu mobile, des opérations trop souvent dictées par l’urgence, un étau de contradictions aboutissant à ce que les autres objectifs de politique publique l’emportent sur les préoccupations patrimoniales, aux dépens des entreprises détenues. Les objectifs de politique publique poursuivis par l’État, qu’il s’agisse de l’équipement du pays en infrastructures de qualité, de la protection des intérêts essentiels de la Nation ou de la compétitivité de l’économie, ne sont nullement en cause ici. La question centrale posée par ce rapport est celle de l’efficacité et de l’efficience de l’outil que constitue l’actionnariat pour atteindre ces objectifs, par comparaison aux autres instruments d’intervention.

Or de nombreux contre-exemples conduisent à douter de cette efficacité. Ainsi, l’actionnariat public se révèle-t-il rarement le moyen le plus adapté pour contrer, en profondeur et dans la durée, la perte de compétitivité et la désindustrialisation de l’économie française. Bien qu’il se veuille stratège, l’État peine à être un actionnaire de long terme, soucieux d’accompagner les mutations des entreprises.

De surcroît, la nette détérioration de la situation financière des grandes entreprises publiques s’accompagne de déséquilibres croissants pour les finances publiques et de besoins de recapitalisation inhabituellement élevés.

La persistance de certains comportements dans les pratiques de l’État, notamment une propension à faire fi de l’autonomie de gestion des entreprises, n’en apparaît que plus préjudiciable et anachronique. La puissance publique gagnerait pourtant à s’affranchir résolument de la logique de tutelle - ce terme devant être banni, tant il paraît antinomique de toute forme d’autonomie de gestion.

L’État doit rompre avec une vision inappropriée de son rôle d’actionnaire et avec son penchant à intervenir sous la pression du moment, par crainte d’apparaître impuissant. Car lorsqu’il procède ainsi, il ne peut qu’affaiblir les entreprises dont il est actionnaire et, finalement, s’affaiblir lui-même.

Dans ces conditions, des transformations profondes sont d’autant plus nécessaires que, depuis cinquante ans, l’environnement s’est grandement modifié. L’économie s’est ouverte, la concurrence s’est installée, le numérique et la transition énergétique bouleversent le contexte industriel et commercial, L’entreprise publique n’est plus le modèle, y compris social, qu’elle a incarné au XXème siècle. La gestion d’un portefeuille de participations publiques de 100 Md€ se conçoit différemment dans un pays qui souffre d’un déficit public structurel et supporte une dette publique de 2 200 Md€. L’ensemble de ces considérations invite à s’interroger sur le domaine de pertinence de l’actionnariat public et donc sur le dimensionnement du portefeuille de participations publiques.

 

 

 

Juillet 2016

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