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Le Naïf dans le Monde
10 juillet 2016

La Démocratie et l’État Sixième partie : La politique énergétique.

 

La révolution industrielle des deux siècles écoulés nous enseigne l’importance de l’énergie dans le développement des activités de production. La disponibilité de ressources d’énergie, qui n’est pas une condition suffisante du développement, en est une condition nécessaire. Heureuses les nations qui disposent de charbon, de pétrole de gaz et de houille blanche ; comblées les nations qui en font un usage modéré et adapté à leurs besoins réels. Les nations qui ne disposent pas de ces ressources naturelles doivent faire preuve d’ingéniosité et, plus encore que les nations pourvues, de modération dans l’emploi de l’énergie. Depuis que le réchauffement climatique est pris en compte, au moins au niveau du discours, l’intérêt des économies d’énergie se trouve renforcé.

Heureuses ou maudites : être riche n’exclue pas de devoir être sage et Chavez, sauf pour M. Mélenchon, ne peut servir d’exemple que pour illustrer cette malédiction.

 

En France l’État peut et doit se préoccuper de définir une politique nationale de l’énergie.

La construction des barrages a été historiquement le fait d’une entreprise publique, à laquelle fut confié dans une seconde phase le développement des centrales nucléaires et le développement de toute la filière d’approvisionnement en combustible fissile. C’est une donnée historique. Ce fut un succès.

Récemment l’État dans ce domaine important de la production énergétique nationale n’a pas fait preuve de beaucoup de talent et le scandale AREVA montre les limites de son action. Comme actionnaire, il a perçu des dividendes et la capacité de réinvestissement s’en est trouvée réduite. Comme patron, il a mal choisi ses représentants et n’a pas su les contrôler. Il a de surcroit sacrifié à la mode des énergies nouvelles, sans discernement et sans intégrer leur croissance dans un plan industriel cohérent.

Produire de l’électricité trop onéreuse avec du matériel chinois, coréen ou allemand est un non-sens absolu.

La production d’énergie ne peut pas s’articuler sur un agenda politique douteux, inspiré par des forces politiques incertaines et, on l’a déjà dit, les entreprises nationales ne sont pas des laboratoires du progrès social.

 

Côté pétrole, il reste à la France à avoir des idées. Le pays par une politique étrangère réaliste réussit-il à garantir ses approvisionnements ? La prochaine crise pétrolière qui n’est pas dans les cartons mais qui se produira néanmoins un jour ou l’autre nous donnera la réponse. Une réponse dont l’incohérence dont fait preuve le gouvernement au Moyen-Orient permet de prévoir la nature.

 

Le charbon est à peu près sorti du paysage industriel français : il aura fallu un demi-siècle pour s’apercevoir que sans charbon et sans minerais de fer on ne pouvait conserver la sidérurgie lourde et que les Florangeries n’arrangeraient rien.

 

Pour le gaz, le record d’incohérence est dépassé : couvrez ce sein que je ne saurais voir. La pensée molle trouve un de ces plus beaux terrains de jeu. Non seulement, on refuse d’exploiter le gaz qu’on pourrait avoir en terre, mais on refuse même de savoir si ce gaz existe. Total qui fut il y a fort longtemps une société financière nationale a renoncé à alimenter le dossier et ira faire son gaz ailleurs. Le principe de précaution a fonctionnéet Mme Duflot exulte.

 

Nous allons sauver la planète : nous allons entrer dans une ère moderne de « moralisation » de la production énergétique. « Moralisation »  pour que le lecteur entende bien que le combat que nous allons évoquer s’inscrit dans l’éternel conflit entre le Bien et le Mal. Il s’agit de la fameuse Transition Énergétique. Le sujet est abordé dans une longue note jointe : Agacements variés et Inversions différées.

 

La transition énergétique, mesure phare du quinquennat écoulé constitue une parfaite illustration de la manière dont l’État conduit sa politique industrielle. De quoi s’agit-il ?

Il est admis que le changement climatique est provoqué  (aggravé) par l’augmentation de la teneur en Gaz à Effet de Serre (GES) de l’atmosphère. Il y a hausse des températures et en conséquence fonte des calottes glaciaires et en conséquence élévation prévisible du niveau des mers et en conséquence submersion de zones côtières de faible altitude. Le phénomène est lent mais il est réel.

L’humanité doit réduire les émissions de GES qui sont un des facteurs affectant ce changement.

La France n’intervient pratiquement pas dans cette histoire : elle n’a plus de production industrielle et elle produit son électricité sans émission de GES. Tout ce CO2 est produit par le charbon chinois, les autos américaines et le lignite de nos voisins.

Mais la France est fille des Lumières et la mode du curieux mélange Pensée-de-Gauche-Écologie-mal-digérée s’infiltre dans la vie politique, associée à un  féminisme avide de parité. Elle sauvera le monde. Au plan diplomatique avec la remarquable réussite diplomatique que fut la COP21 et les conventions qui en sont le résultat ; au plan intérieur par la Loi de Transition Énergétique d’août 2015.

Cette loi, qui est tout sauf une Loi, consiste en un énoncé d’objectifs à atteindre,  visant « à permettre à la France de contribuer plus efficacement à la lutte contre le dérèglement climatique et à la préservation de l’environnement, ainsi que de renforcer son indépendance énergétique tout en offrant à ses entreprises et ses citoyens l’accès à l’énergie à un coût compétitif. »

 

Voici ces objectifs à moyen et long termes :

Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. La trajectoire est précisée dans les budgets carbone ;

Réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012 en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030 ;

Réduire la consommation énergétique primaire d’énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à la référence 2012 ;

Porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % de la consommation finale brute d’énergie en 2030 ;

Porter la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025. Résumé officiel LTECV

À ceux-ci s’ajoutent des objectifs visant à réduire les consommations abusives  (amélioration des bâtiments, utilisation des déchets) et à favoriser « l’accès  de tous à l’énergie » et à lutter contre la « précarité énergétique »

 

Ensuite est prévue une cascade de plans « stratégiques » dont la réalisation est confiée aux Régions ; ces plans concerneront essentiellement l’habitat (rénovation et normes nouvelles), les transports publics et l’implantation d’unités de production électrique décarbonnée. Citons le résumé qu’en propose la Direction de l’information légale et administrative (Secrétariat Général du Gouvernement auprès du Premier Ministre) :

 La loi fixe les objectifs de la transition énergétique. Les émissions de gaz à effet de serre devront être réduites de 40% à l’horizon 2030 et divisées par quatre d’ici 2050. La consommation énergétique finale sera divisée par deux en 2050 par rapport à 2012 et la part des énergies renouvelables sera portée à 32% en 2030.

Le texte met l’accent sur la rénovation thermique des bâtiments et la construction de bâtiments à haute performance énergétique. Afin d’atteindre l’objectif de 500 000 rénovations lourdes par an d’ici 2017, des dérogations aux règles d’urbanisme vont, par exemple, être prévues pour les travaux d’isolation par l’extérieur. En outre, dans les copropriétés, les travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique sur les parties communes seront soumis à un vote à la majorité des voix exprimées (et non plus à la majorité des voix de tous les copropriétaires).

Des mesures sont prévues pour favoriser le développement des véhicules propres :

  • installation de sept millions de bornes de recharge pour véhicules électriques,
  • création d’une prime au remplacement d’un vieux véhicule diesel par un véhicule bénéficiant du bonus écologique. Son montant sera conditionné aux ressources,
  • renouvellement des flottes de l’État et de ses établissements publics avec au moins 50% de véhicules propres.

La loi plafonne à 63,2 Gigawatts la production d’électricité d’origine nucléaire et fixe la part du nucléaire dans l’électricité à 50% en 2025 (elle est actuellement de 75%). Il renforce la sûreté nucléaire et l’information des citoyens sur le nucléaire. En nouvelle lecture, la Sénat a refusé de fixer une date butoir. L’objectif de réduire à terme la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50% est conservé mais sans déterminer de date pour atteindre cet objectif.

La loi prévoit de multiplier par deux d’ici 2030 la part de la production d’énergies renouvelables pour diversifier les modes de production d’électricité et renforcer l’indépendance énergétique de la France.

Un fonds doté de 1,5 milliard d’euros sera créé pour soutenir les initiatives locales en matière de transition énergétique et d’économie circulaire.

Les collectivités locales et les entreprises pourront bénéficier d’un nouveau "prêt transition énergétique et croissance verte" versé par la Caisse des dépôts et consignations.

La loi prévoit la création d’un chèque énergie, versé sous condition de ressources, et réservé aux achats d’énergie (quelle que soit l’énergie de chauffage) ou d’amélioration de l’efficacité énergétique du logement.

Une programmation pluriannuelle de l’énergie établira les priorités d’action de l’État pour la gestion de l’ensemble des énergies.

L’interdiction d’utilisation des phytopharmaceutiques pour l’entretien des espaces verts pour les personnes publiques qui était fixée au 1er janvier 2020 est avancée au 31 décembre 2016.

A compter du 1er janvier 2016, sont interdits les sacs de caisse en matières plastiques à usage unique destinés à l’emballage de marchandises au point de vente. A partir du 1er janvier 2020, il est mis fin à la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique, sauf ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées.

Un amendement vise à réprimer l’obsolescence programmée des produits. Ainsi le fait de raccourcir intentionnellement la durée de vie d’un produit sera considéré comme une tromperie.

La date à partir de laquelle les fournisseurs d’électricité, de chaleur ou de gaz peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, pour non-paiement des factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz est reportée du 15 au 31 mars.

Un critère minimal de performance énergétique est introduit parmi les critères de décence des logements.

Le texte amendé prévoit également la création d’un carnet numérique de suivi et d’entretien obligatoire à compter du 1 janvier 2017 pour tous les immeubles privés neufs à usage d’habitation.

Un amendement gouvernemental crée un fonds de garantie pour la rénovation énergétique qui aura pour objet de faciliter le financement des travaux d’amélioration de la performance énergétique des logements.

Les bâtiments privés résidentiels devront faire l’objet, à l’horizon 2030, d’une rénovation leur permettant d’atteindre une consommation moyenne en énergie primaire inférieure à 330 kilowattheures par mètre carré et par an.

Le texte amendé permet aux maires de créer partout dans leur commune des zones à vitesse de circulation réduite à 30 km/h.

En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale revient à la version initiale du texte fixant à 2025 la date butoir pour ramener de 75 à 50 % la part du nucléaire dans la production. La puissance totale du parc électronucléaire est plafonnée à son niveau actuel, soit 63,2 gigawatts , et non pas à 64,85 gigawatts, comme l’avait voté le Sénat en première lecture.

De même la distance minimale à respecter entre une éolienne et des habitations est ramenée à 500 mètres (le Sénat avait fixé la distance minimale à 1 000 mètres entre une éolienne dont la hauteur dépasse 50 mètres et les habitations).

Par ailleurs pour lutter contre le gaspillage alimentaire, il sera désormais interdit aux distributeurs du secteur alimentaire de rendre leurs invendus impropres à la consommation. Les moyennes et grandes surfaces de plus 400 mètres carrés auront l’obligation de conclure une convention avec une association caritative afin de faciliter les dons alimentaires.

Enfin le texte amendé prévoit la création d’une indemnité kilométrique vélo pour les trajets des salariés entre leur domicile et leur travail. Cette indemnité sera exonérée de cotisations sociales, dans la limite d’un montant fixé par décret.

En lecture définitive, l’Assemblée nationale fixe comme objectif de quadrupler la contribution climat énergie entre 2016 et 2030. Elle passera de 22 euros la tonne de CO2 à 100 euros.

Dans sa décision du 13 août 2015, le Conseil constitutionnel a censuré les articles concernant la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels, la réduction des gaz à effet de serre dans la grande distribution et les règles de composition du capital des éco-organismes ainsi que plusieurs dispositions relatives au gaspillage alimentaire.

 

Cette loi, au-delà du catalogue de vœux, consiste d’une part en un ensemble de mesure sur les épaisseurs de laine de verre ou sur l’intelligence des compteurs électriques… On voit que le sac plastique du supermarché fait route avec la réduction de 75 à 50% de la part du nucléaire dans la production d’énergie (on espère qu’il s’agit d’électricité, mais on n’est sur de rien), que l’indemnité kilométrique du cycliste côtoie l'intention affichée de doubler en 15 ans la production d’EnR (cette fois-ci, il s’agit bien d’électricité) et qu’une éolienne peut avancer sur ses courtes pattes jusqu’à 500 m de la ferme  de l’oncle Alfred sur le champ duquel le maire, son cousin a élaboré son projet d’indépendance énergétique au frais du contribuable.

Le pétrole et le gaz (3/4 au moins de la consommation d’énergie en France) ne semble pas concerné par cet inventaire surréaliste (enfoncé Prévert) à un détail près : On trouve dans le bazar un raffinement apporté au calcul de la TICPE  (Taxe intérieure sur les produits énergétiques). Bercy n’est jamais loin. Attardons nous sur ce point.

 

Ce droit d’accise, en place depuis 1928, est un ingrédient majeur du budget de l’État, autour des 25 Milliards d’Euros avant 2014 ; et d’environ 29 milliards en 2015 compte-tenu de l’ajout de la CCE.

Cette taxe est perçue sur les volumes vendus et non sur le prix de vente du produit. C'est donc un montant fixe en euros qui est perçu sur chaque unité vendue. Le montant dépend de la nature du produit (essence ou gazole par exemple), mais aussi du type de consommation (usage comme carburant ou pour le chauffage).

En avril 2014, c'est le super sans plomb (95 et 98) qui supporte la TICPE la plus élevée : 60,69 centimes pour un litre, suivi du gazole, à 42,84 centimes par litre. Le GPL est taxé à 10,76 centimes pour un kg (soit environ 5,7 centimes par litre) et le bioéthanol (E85) à 17,29 centimes par litre. Le fioul domestique est taxé à 5,66 centimes par litre et le gaz combustible à 0,141 centimes le kWh.

Au 1er avril 2014, une contribution climat-énergie (CCE) a été intégrée à la TICPE, à raison de 7 € par tonne de CO2. Elle doit progressivement augmenter, pour atteindre 14,5 € en 2015 et 22 € en 2016.

Cette taxe carbone, CCE,  a été mise en place en France en 2014. Ce n'est pas une taxe spécifique, mais une composante des taxes intérieures de consommation (TIC) proportionnelle au contenu carbone des combustibles fossiles concernés. Du montant initial de 7 €/t de CO2, elle a été réévaluée chaque année pour atteindre 30,50 € en 2017. Sa trajectoire d'évolution a été programmée par la loi relative à la transition énergétique de 2015 : 56 € en 2020, puis 100 € en 2030.

Cette écotaxe pigouvienne sur les émissions de dioxyde de carbone diffuses doit notamment contribuer à l'atteinte des objectifs de la stratégie nationale bas carbone établie en 2015 pour contribuer à l'atténuation du changement climatique et au respect des engagements de la France dans le cadre de la COP21. Ses recettes ont été estimées à 3,8 Mds € en 2016, dont 3 Mds € affectés au financement du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

Wiki : Taxe carbone en France

 

Il apparait donc que cette Carte de Vœux comporte une mesure fiscale importante, emmitouflée dans un habit écologique ; son évolution est prévue, laissée à la discrétion de la Loi de finance annuelle. Son montant quintuplerait d’ici 2030.

Il s’agit de la seule mesure concrète du catalogue à l’exception, bien sûr, de la sacro-sainte fermeture de Fessenheim et des sacs plastiques.

Croix de feu, croix de fer, cochon qui s’en dédit : Fessenheim fermera et Notre dame des Landes ne se construira pas. Na !

Ça, c’est de la politique énergétique, ou j’n’y connais rien.

Pardon, pour ND des Landes, c’est de l’aménagement du territoire.

Que le citoyen cesse de s’alarmer, Mme Royal veille.

 

Une dernière question : pourquoi cette « Loi » et à qui s’adresse-t-elle ?

Le citoyen est naturellement immédiatement concerné par la taxe carbone, par le pognon dépensé à ne pas construire l’aéroport de la discorde  et… par les sacs plastiques. Mais en réalité le propos concerne les deux sociétés qui produisent et distribuent de l’électricité dans notre cher et vieux pays : EDF et Engie. Le lecteur n’a nul besoin qu’on lui remémore qu’EDF est peu ou prou une Société Nationale et que l’État possède 35% d’Engie. Pour l’approvisionnement en gaz (comme pour le pétrole) tout est dans les mains du grand et méchant Marché. Peut-être existe-t-il un canal direct de l’État propriétaire à la Société Nationale et à ENGIE qui ne requerrait pas des mois d’une Assemblée Nationale ?

 

Sur ces sujets et devant tant d’incohérence ou disons le franchement de sottise et d’incompétence, il est difficile de ne pas tomber dans le ton de la diatribe et du pamphlet.

 

Juillet 2016

 

PS : Un an plus tard. Rien ne permet de penser aujourd’hui, en juin 2017 que le Divin Enfant ait une vision très claire dans ces domaines et le choix de son ministre de la Transition Écologique confirme ce soupçon.

D’où un nouveau gémissement émis récemment, intitulé « Hulot par ci, Hulot par là » qui sera lu comme un complément de cette note.

 

 

 

 

 

 

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