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Le Naïf dans le Monde
15 juin 2017

Azertification

 

Un des rares privilèges que confère le Grand Age est de vous permettre de façon naturelle d’évoquer des périodes et des pratiques qui, pour vos petits-enfants relèvent de l’archéologie.

Ainsi, Moi, qui m’adresse à vous en tapotant le clavier de mon Dell super-zoom-zoom (qui fait lui-même figure d’antiquité, pensez, il a plus de quatre ans), ainsi moi, j’ai appris l’écriture et les joies de la tache d’encre avec les plumes Sergent-Major, les dures et avec des plumes dont le nom m’échappe qui étaient plus souples mais moins chics. Je n’ai pas connu, à un demi-siècle prêt tout de même, les délices de la véritable plume de volatile, celle que retaillent inlassablement les Zola et autres Balzac dans les nombreuses évocations cinématographiques qui illustrent leur mémoire.

Associés à ces armes de la culture républicaine étaient le bureau de l’écolier, pentu comme il le fallait et l’encrier de porcelaine blanche. En ces temps-là, l’idée ne nous venait pas qu’il puisse servir d’arme de jet : heureuse époque quand l’écolier ne maitrisait pas encore le cocktail Molotov.

Reste-t-il autre chose que des souvenirs voilés de ces premières initiations ?

Du talent de graphiste, peut-être mais rarement éprouvé ; du respect et de nostalgie pour le passé, sans nul doute ; mais plus encore l’idée que la langue qu’il était si difficile de poser sur la feuille méritait elle-aussi le plus grand respect.

Lorsque j’écris je fais des efforts pour rapprocher l’expression de mon propos de ce que j’aurais « dit » à l’interlocuteur ; pour ne pas oublier dans l’écrit notre oral. Et cependant il me parait toujours essentiel que la langue soit préservée et presque sacralisée.

Je ne prétends nullement y parvenir, mais j’essaie.

Intolérable le mail farci de fautes d’orthographe, de syntaxe et, n’y pensons même pas, de ponctuation. Insupportables les fautes grossières sur les brassards des mécontents de l’ÉducNat défendant dans la rue leurs avantages acquis avec des méthodes d’agriculteurs bretons. Odieux le laisser-aller de certains journaleux. Il est vrai, et cela ne console pas, que leur expression orale est tout aussi négligée : les deux laxismes vont de pair.

 

Il y aura dans un an un anniversaire à célébrer…

Donc, il y aura demain cinquante ans, il devenait interdit d’interdire, sous les pavés se trouvait la plage et l’icône nationale devenait un abominable dictateur. Il était urgent de déconstruite, de tout remettre en question, la langue, l’enseignement, l’autorité et dans une vague politique venue du fond du 7ème arrondissement, les principes même du gouvernement. Encore quelques années (13 exactement) et fini l’équilibre budgétaire, vive la dette et le progrès social mais plus que tout le désamour du travail.

Je reconnais, je m’égare.

 

Cette vaste entreprise de déconstruction s’effectue « en même temps » que notre univers connaissait le bouleversement que provoque l’extraordinaire mutation surgie dans l’univers de l’information et de sa diffusion. La fée électricité avait déjà bouleversé le monde de l’énergie et avait grand ouvert  la porte des communications ultra-papier.  La mise en réseau et le partage constant et instantané de toute l’information ouvraient une nouvelle ère.

 

Apparaissaient le PC et son petit frère (qui a tellement de qualité) le Mac et les serveurs et les développeurs et les cloudeurs et les Gentils Utilisateurs.

 

Je pense ; je suis ; je pianote mon clavier.

Un intercesseur intercède : Monsieur AZERTY.

Son origine n’est pas claire. On dit qu’il est le demi-frère bâtard de son ainé M. QWERTY, lui-même, fils légitime de l’armurier Remington.

Sans M. AZERTY, pas d’accès, pas de porte ouverte, pas d’effleurement subtil du clavier pour dire toutes les choses merveilleuses qui se cachent en nos Mois secrets. Pas de Blog !

Un univers intellectuel s’écroule si AZERTY nous quitte.

Que vienne le jour où la magicienne Cortana (probablement une Muse réinventée), remplira pleinement son Office (2016) d’intercesseuse (vive la parité) vocale : alors c’est le flot de mon éloquence enfin débridée qui alimentera les rubriques du blog du Naïf.

Parole martyrisée mais parole libérée.

 

En attendant, restons-en à l’AZERTYfication de notre pensée.

 

15 juin 2017

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